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Bpifrance au cœur de la révolution ClimateTech : entretien avec Édouard Combette

Written by
Valentine Quiniou
Published on
15 October 2025
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Edouard Combette est  Directeur Investissement Senior Bpifrance GreenVenture, un fonds qui fait partie des 600 millions que Bpifrance dédie au Venture Capital

Quels sont les critères clés que vous recherchez dans une startup ClimateTech ? Quelle est votre thèse d’investissement ?

Nous avons une vraie dualité au sein de Bpifrance.

Sur le plan de l'analyse, nous analysons les mêmes critères pour juger de la robustesse d'une société et de son potentiel que tout autre investisseur : taille de marché, qualité de la technologie et de sa propriété intellectuelle, bien évidemment l'équipe dirigeante et la qualité des ressources clés de ses équipes. On va analyser avec beaucoup de précision les projections financières et leur réalisme. Ce, naturellement, avec la vision de vouloir investir exclusivement dans des sociétés qui génèrent une vertu pour l'environnement.

Notre rôle par essence va aussi au-delà : structurer le marché, notamment sur le marché du ClimateTech VC. En effet, nous avons été initialement créés pour combler une faille de marché et fédérer les intérêts des investisseurs VC, qui ne sont pas forcément des investisseurs spécialisés dans la ClimateTech. En 2014, il y avait principalement ce besoin d’aider les sociétés à structurer leur tour de table et convaincre d’autres investisseurs. Aujourd’hui, les fonds ont plus d’intérêt pour le sujet qu’il y a 10 ans et c’est une très bonne chose. Nous avons ainsi basculé en prenant le rôle d’investisseur Lead au sens relativement classique.

En période de marché plus difficile, notre rôle évolue : accompagner les entreprises de notre portefeuille dans des transformations, dans le passage d’un cap en termes de maturité ou vers la rentabilité.
Pour résumer, nous devons agir comme un fédérateur de l’écosystème VC français, nous avons d’ailleurs la chance d'avoir joué un rôle assez central à travers les années.

Sur 10 ans, quelles grandes transformations percevez-vous du Venture et du secteur des Climatetech ?

Ce qui me frappe en premier, c’est la qualité des fondateurs, qui n’a rien à voir avec ce qu’on observait il y a 10 ans. Au début, la création d’entreprise était davantage un acte de foi d’un ingénieur expérimenté d’un grand groupe, d’ailleurs plutôt issu du monde de l’énergie, avec des compétences techniques très fortes mais des compétences d’entrepreneurs plus modestes (au sens du développement, business, gestion d’entreprise, etc). Aujourd’hui, nous avons une génération de serial entrepreneurs ou de profils qui ont baigné très tôt dans l’écosystème startup. Ils disposent d’une palette de compétences beaucoup plus large et sont mieux armés pour réussir. Je prends l’exemple de ZEI, entreprise au sein de laquelle nous sommes au board ensemble : le fondateur est un multi-entrepreneur, Noël Bauza, qui s'adjoint les services de Nicolas Maury, qui baigne dans l'environnement start-up depuis quasiment l'ensemble de sa carrière. Cela en fait un duo assez puissant et complémentaire.

Ensuite, je remarque l’augmentation significative du capital disponible en VC sur la période. Lors de mes premiers pas dans le VC chez Ecomobility Ventures, un fonds de 40M d'euros permettait de viser des series B qui étaient comprises entre 3 et 5M d'euros. Aujourd'hui, on a des séries B qui sont bien plus importantes que ça.

Enfin, il demeure encore des points d’amélioration, à l’échelle de notre écosystème VC, et notamment la question des sorties. Malgré des progrès notables sur les 10 dernières années, il existe aujourd’hui une activité M&A sur nos thématiques, encore relativement limitée en termes de valorisation de sortie. Bpifrance a été acteur sur le sujet, nous étions notamment investisseurs chez Drivy, que nous avons cédé à Getaround pour 300M de dollars en 2019 par exemple.

Un autre point à souligner, c’est également un faible nombre d'IPO sur notre marché. En somme, le VC ClimateTech a progressé de manière substantielle dans les dix dernières années mais on a encore du travail pour parvenir à améliorer l’ensemble des principales étapes du cycle d’un investissement.

Vous avez eu l'occasion de travailler aux côtés de Climate Leaders Fast Track. Qu'est-ce qui vous a marqué dans notre manière de travailler ensemble ?

Deux points me marquent dans notre collaboration.
Primo, c’est l'implication, l'énergie que CLFT met dans le suivi des sociétés. Par conséquent, votre capacité à les aider, à en faire des succès. C'est vraiment intéressant. Je crois d'ailleurs qu'une philosophie qu'on a en commun entre vous et nous, qui est un peu de ne pas compter : le temps que vous allez passer, la disponibilité que vous allez offrir aux entrepreneurs pour pouvoir appeler, poser des questions. Vraiment jouer ce rôle de Sparring-partner, aux côtés des fondateurs. C’est extrêmement appréciable et je pense que ça donne une grande valeur à cette forme de partenariat.

Secondo, c’est le reach dans vos levées, où vos club Deal fédèrent des entrepreneurs, des family offices. J’apporte un investissement « très institutionnel », et vous, vous apportez de l'argent issu de business qui peuvent être connexes et qui donnent accès aux entrepreneurs à un réseau large sur le plan commercial.

Je trouve que la quintessence de la collaboration entre nous se retrouve à chaque board en commun, dans le sens où il s’agit de séances de réflexion, de vraies séances de brainstorming stratégiques pour nos sociétés, qu'il est assez rare de voir dans nos boards qui peuvent vite tomber en séance de reporting. Ces boards sont vraiment intéressants parce qu'on met tout sur la table.

Quels jalons ont marqué votre carrière, pour passer d’Ingénieur à Directeur d’investissement ?

Initialement, je suis ingénieur chimiste de formation, et passé par HEC. Très vite, ce qui m’a vraiment animé, c’était l’innovation et la création de nouveaux business. Pendant mes études à Chimie Paris, j’avais lancé un projet de panneaux photovoltaïques colorés, pour habiller des façades tout en produisant de l’énergie verte.

À HEC, j’ai découvert le monde de l’entrepreneuriat, puis par capillarité celui du Venture Capital. J’ai commencé chez Younited Credit, une aventure absolument géniale via laquelle j’ai été confronté pour la première fois au monde du venture capital, à une époque où le VC en France en était encore à ses balbutiements.

Après cette première expérience, j’ai eu la chance de contribuer à la création du premier fonds multi-corporate dédié à la mobilité durable. Nous l’avons lancé en 2011, en levant auprès de SNCF, Total, Orange, Air Liquide, Michelin et PSA. En parallèle, SNCF nous avait également confié le suivi d’un portefeuille de startup qu’ils avaient investi en direct.

En 2014, la gestion d’Ecomobility Ventures a été transférée chez Idinvest, devenu par la suite Eurazeo, qui a notamment fait émerger leur practice Smart City.

Dans le même temps, j’ai eu la chance de rejoindre les équipes de CDC Entreprise, devenu Bpifrance, dans le cadre de la gestion du Fonds Ecotechnologies, doté de 150 M€. C’était l’opportunité pour moi de rejoindre une équipe d’investisseurs expérimentés avec un fonds d’une taille assez inédite à l’époque dans le VC Cleantech.

11 ans plus tard, je fais toujours partie de l’équipe Bpifrance Green Venture et nous avons beaucoup évolué depuis : nous sommes une équipe de 9 personnes et nous gérons 600 M€. Notre équipe est composée de professionnels passionnés et talentueux, dont l'expertise et l'engagement sont essentiels à notre succès collectif. L'ampleur de notre action n'a plus rien à voir avec celle du Fonds Ecotechnologies seul, il y a dix ans.

Je suis désormais Directeur d’investissement senior, et je participe à l’ensemble des étapes de l’investissement : du deal flow à la due diligence, en passant par la réalisation des investissements et la représentation de Bpifrance dans les organes de gouvernance, comme c’est le cas pour l’entreprise ZEI dans laquelle nous sommes co-investisseurs.

Quelle est votre vision du rôle des investisseurs dans l'accélération de la transition climatique ?

La transition climatique est très vaste. Une partie a été fortement accélérée par l’injection de capital via le Venture Capital, qui a permis l’émergence de nouvelles familles technologiques à impact significatif : photovoltaïque, batteries, logiciels d’analyse énergétique, ou encore marketplaces de mobilité durable et partagée. Beaucoup de ces innovations, initialement portées par le VC, sont aujourd’hui devenues mainstream.

Mais au-delà du Venture, les fonds d’infrastructure et de Private Equity jouent un rôle clé pour transformer ces innovations en solutions installées et intégrées dans notre quotidien. Prenons l’exemple du photovoltaïque : lorsque j’étais étudiant il y a plus de 15 ans, on enseignait qu’il était impossible d’injecter plus de 20 % d’électricité intermittente dans le réseau français. Aujourd’hui, nous sommes au-delà de ce seuil.

Quelle innovation ou quel projet, où Bpifrance est investisseur, vous inspire particulièrement ?

Je suis fier de faire partie de l’équipe Bpifrance, de toutes nos participations et de l’évolution de Bpifrance elle-même.

Depuis plus de dix ans, Bpifrance s’est affirmée comme un acteur incontournable, performant, rigoureux et bienveillant. Toujours en co-investissement avec le privé, nous sommes devenus un garant de stabilité et un partenaire recherché, y compris par des fonds internationaux qui doutaient au départ de l’initiative. Aujourd’hui, cette reconnaissance est acquise, et c’est une belle réussite collective.

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